Sa mission initiale était déjà assez compliquée comme ça : quitter la Terre, voyager deux ans et parcourir deux millions de kilomètres pour rejoindre l’astéroïde Bénou, passer encore presque deux années à lui tourner autour pour le cartographier, puis descendre vers sa surface et la frôler pour aspirer quelques grammes de poussière de roche, avant de reprendre la route pour rapporter le précieux échantillon dans les laboratoires terrestres. Depuis son décollage en 2016 jusqu’à son départ de l’astéroïde au printemps 2021, tout s’est passé comme sur des roulettes pour la sonde américaine Osiris-Rex. C’est une mission spatiale brillamment menée qui devait rentrer sur Terre à l’automne 2023. Mais finalement, puisque la sonde pète la forme et réussit tout ce qu’elle entreprend, pourquoi ne pas lui confier un job supplémentaire tant qu’elle vadrouille au beau milieu de l’espace ?
La Nasa vient d’annoncer une grande décision : la mission Osiris-Rex sera finalement prolongée pour aller rendre visite, après Bénou, à l’astéroïde Apophis. Ce n’est pas n’importe quel caillou de l’espace. Celui-là nous fascine depuis des années, car c’est un géocroiseur, un astéroïde dont la trajectoire croise régulièrement le chemin de la Terre, mais aussi un objet potentiellement dangereux, car il est assez gros et qu’il passe suffisamment près de notre planète pour représenter une vraie menace en cas de collision. Apophis mesure 370 bons mètres de diamètre et passera à un peu plus de 30 000 kilomètres de la Terre en 2029… c’est-à-dire pas grand-chose à l’échelle de l’espace. C’est 0,0002 fois la distance Terre-Soleil.
Heureusement, à court terme, il n’y a pas de danger. Les calculs d’orbite ont été vérifiés et revérifiés, et il n’y a aucun risque qu’Apophis nous percute, ni lors de son prochain passage en 2029, ni en 2036, ni en 2051, ni en 2066.
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Mais ce n’est pas une raison pour rester les bras croisés. D’ici là, Apophis est une excellente cible à observer pour mieux connaître les astéroïdes géocroiseurs et réfléchir à des scénarios de défense planétaire contre les plus dangereux d’entre eux. Osiris-Rex va donc aller le voir de plus près en octobre 2023, et la sonde sera pour l’occasion renommée Osiris-Apex («APophis EXplorer»). Elle va bien frôler la Terre comme prévu, juste le temps de nous larguer dans l’atmosphère une capsule contenant les échantillons de Bénou, qui va atterrir sous parachute. Puis la sonde repartira vers sa nouvelle cible. L’équipe d’Osiris sera alors scindée en deux : une partie s’occupera de réceptionner et d’analyser les poussières de roches collectées sur Bénou, tandis que l’autre moitié rempilera pour la nouvelle mission vers Apophis.
De ce qu’on en sait, tous les instruments scientifiques embarqués sur la sonde Osiris fonctionnent encore très bien. Ils serviront donc à observer de près les changements causés à la surface d’Apophis par son passage près de la Terre. Puis la sonde, qui se mettra en orbite autour de l’astéroïde comme elle l’a fait pour Bénou, essaiera même d’utiliser ses petits moteurs pour déclencher une poussée de gaz et déloger quelques grains de roche d’Apophis.
D’ici à 2029, date du grand événement, Osiris aura vécu treize ans de mission spatiale et quasiment doublé sa durée de vie initiale. C’est carrément une bonne affaire : l’extension de sa mission (au lieu de concevoir et lancer une nouvelle sonde) ne demandera à la Nasa que d’allonger 200 millions de dollars supplémentaires, pour un voyage qui en a déjà coûté 800 millions.
En octobre 2022, une autre sonde de la Nasa, nommée Dart, va essayer pour la première fois de dévier un minuscule astéroïde en lui fonçant dessus.