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Astronomie

Une météorite révèle la «plus ancienne lave connue à ce jour», formée aux débuts du système solaire

La météorite Erg Chech 002, trouvée dans le désert saharien, se révèle être un morceau de croûte volcanique détaché d’une protoplanète, avant la formation de la Terre. Une roche extrêmement rare et précieuse pour comprendre l’histoire du système solaire.
Un fragment de la météorite Erg Chech 002, trouvée dans le désert saharien en mai 2020. C'est une andésite très rare en provenance de la croûte d'une protoplanète. (A. Irving (domaine public))
publié le 16 mars 2021 à 16h38

Aux débuts du système solaire, c’était le bazar. Des bouts de planètes primitives valsaient les uns autour des autres, nombreux, et entraient fréquemment en collision. Avec le temps, sur une période qui se compte en millions d’années, tous ces planétésimaux ont fini par se regrouper sous l’effet de la gravité jusqu’à s’agréger et former les quelques grosses planètes que l’on connaît aujourd’hui. Mais certaines de ces pièces de puzzle rocheuses étaient plus élaborées que d’autres. Larges d’au moins un kilomètre, elles ont eu le temps de se «différencier» : leurs éléments les plus denses sont descendus au cœur du corps céleste, formant un noyau, tandis que les moins denses ont migré vers la surface pour former une croûte. Ces ancêtres de planètes à plusieurs couches s’appellent des protoplanètes et, pour la première fois, on vient de trouver un bout de leur croûte.

Le géochimiste Jean-Alix Barrat, de l’université de Brest, et son équipe ont passé au microscope une météorite trouvée en mai 2020 dans le Sahara – dans la région de l’Erg Chech plus précisément, d’où le nom donné à la météorite, Erg Chech 2. La pierre venue de l’espace était brisée en 43 morceaux dont les plus importants sont «gros comme le poing», explique Jean-Alix Barrat à l’AFP. La roche semble marron en surface et se révèle plus verdâtre en coupe.

Techniquement, elle s’est révélée être une andésite – une pierre volcanique riche en sodium, en fer et en magnésium – qui se forme sur Terre dans les zones de subduction, là où les plaques tectoniques glissent les unes sous les autres. C’est pour cela qu’on la pense issue de la croûte d’une protoplanète, et cela la rend extrêmement rare. «Les restes de croûtes protoplanétaires ne sont pas détectés dans la ceinture d’astéroïde du système solaire, car leurs corps-parents ont servi de briques à la formation de corps rocheux plus grands ou ont été presque totalement détruits», explique l’étude parue dans le dernier numéro de la revue scientifique PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences).

Un voyage de 4,5 milliards d’années

Et si on connaît bien quelques milliers de météorites venant des débuts du système solaire, ce ne sont pas des andésites. Ce sont des roches basaltiques, quasiment toutes issues des deux mêmes protoplanètes. Erg Chech 002 est donc précieuse pour comprendre un peu mieux la diversité des protoplanètes et affiner notre connaissance de la formation des planètes.

«Nous décrivons la plus ancienne lave connue à ce jour, qui s’est cristallisée il y a 4,565 milliards d’années», écrivent les chercheurs. Erg Chech 002 a sans doute d’abord fait partie d’une coulée de lave qui s’est refroidie momentanément en coulant à la surface de la protoplanète. Puis un événement brutal (comme une chute de météorite) a détaché Erg Chech 002 du reste de la croûte. Elle a volé. «La roche a été projetée dans l’espace», suppose Jean-Alix Barrat, c’est la seule explication a un refroidissement si rapide. Puis elle a voyagé pendant plus de 4,5 milliards d’années, cachée «dans un tas de gravier, protégée du rayonnement solaire», alors que la Terre se formait et se transformait. Jusqu’à finir par nous tomber dessus !