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Le Libé des historien·nes

De quel Brutus Gabriel Attal est-il le nom ?

L’Elysée affublerait l’ex-Premier ministre de ce surnom peu flatteur depuis qu’il s’est détourné de lui. Le personnage historique derrière cette figure n’a pourtant pas grand-chose à voir avec la situation politique.

Emmanuel Macron et Gabriel Attal lors de la commémoration du 80e anniversaire de la libération de la préfecture de police, à Paris le 12 août 2024. (Alain Jocard/AFP)
Par
Pauline Ducret
membre de l'Ecole française de Rome
Publié le 08/10/2025 à 17h43

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Brutus : tel est désormais le surnom, à l’Elysée comme sur les réseaux sociaux, de Gabriel Attal. C’est «un fils qui assassine son père», «la créature» d’Emmanuel Macron qui «trahit son mentor». Le Président lui-même a été présenté en son temps comme le Brutus de François Hollande, Nicolas Sarkozy comme celui de Jacques Chirac.

Brutus est ainsi le nom de celui qui trahit, de préférence un aîné à qui l’on doit tout, un père en somme. Le personnage historique derrière cette figure n’a pourtant pas grand-chose à voir avec cet assassin retors, aveuglé par l’ambition, prêt à tout pour arriver au pouvoir. Marcus Junius Brutus, qui se suicide en 42 av. J.-C. pour laver son honneur après une défaite militaire, est issu d’une des plus grandes familles de la République romaine. Il est unanimement salué dans les sources anciennes comme un homme droit et juste, qui a sacrifié son amitié pour César à la cause de la République. Il fait bien partie de ces sénateurs qui, le 15 mars 44 av. J.-C., assassinent Jules César, suspecté d’aspirer à la royauté.

«Toi aussi, petit»

Mais la lecture politico-médiatique actuelle de cet assassinat repose sur une double erreur : il ne s’agissait nullement de remplacer le dictateur mais de sauver la République ; César n’était nullement son père, mais un ami, un protecteur contre lequel il s’était déjà élevé. César lui avait pardonné, et c’est sans doute ainsi qu’il faut comprendre la dernière phrase qu’il aurait prononcée, (mal) traduite en français par un «toi aussi, mon fils» qui serait sans doute mieux rendu par «toi aussi, petit» : le dictateur mourant y exprime son affection pour un grand homme politique, qui sait placer ses intérêts personnels derrière son sens du devoir. On est bien loin des actuels renversements d’alliance avant des échéances électorales, prévues ou anticipées.