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Disparition

Mort d’Ari Wong Kim, le dernier survivant du Bataillon du Pacifique

Dernier survivant des volontaires polynésiens engagés dans les Forces françaises libres, Ari Wong Kim est décédé dans la nuit de mardi à mercredi 19 octobre, à l’âge de 99 ans. Emmanuel Macron exprime «la reconnaissance de la République».
Ari Wong Kim, au moment de son engagement et plus récemment. (compte X @EmmanuelMacron)
publié le 20 octobre 2023 à 11h41
(mis à jour le 20 octobre 2023 à 11h41)

A travers les océans pour défendre les couleurs de la France libre. De Papeete, sa terre natale en Polynésie française, Ari Wong Kim avait participé aux principaux combats des Forces françaises libres (FFL), du désert de Libye aux campagnes de Tunisie, du débarquement de Provence en août 1944 aux forêts des Vosges. Dernier survivant des Tamarii volontaires, engagés au sein du célèbre Bataillon du Pacifique, il est décédé dans la nuit de mardi à mercredi 19 octobre, à l’âge de 99 ans. «J’exprime la reconnaissance de la République et mon immense respect pour lui et tous ses frères d’armes», a réagi Emmanuel Macron ce vendredi.

Né le 16 janvier 1924, d’un père chinois et d’une mère tahitienne, Ari Wong Kim n’a que 16 ans lorsqu’il usurpe l’identité de son demi-frère pour s’engager comme volontaire, en septembre 1940, après le ralliement de la Polynésie française à la France libre. A Tahiti, le jeune homme rejoint d’abord la Compagnie d’infanterie coloniale, avant que le contingent parte pour la Nouvelle-Calédonie. Avec lui, près de 300 volontaires Tahitiens ont embarqué sur un bâtiment de la marine néo-zélandaise, le Monowaï. «On était fous», se souvenait-il auprès de Polynésie la 1re, qui l’avait rencontré à plusieurs reprises ces dernières années.

Avec les volontaires des Nouvelles-Hébrides, ils forment alors le Bataillon du Pacifique, composé de 550 hommes. A leur tête, le commandant Félix Broche, qui sera tué le 9 juin 1942 lors de la bataille de Bir-Hakeim. Après 45 jours d’entraînement en Australie, puis quelques mois passés en Palestine, le corps expéditionnaire connaît l’épreuve du feu en Afrique du Nord. Intégré au sein de la 1re Brigade française libre du général Koenig, Ari Wong Kim se bat avec ses camarades en Egypte en décembre 1941. Au printemps 1942, il combat en Libye à Bir-Hakeim. Il est alors chargeur d’un canon de 75 mm, monté sur un camion.

Deux fois blessé

Dans le désert, la brigade tente de défendre ses positions et organise des patrouilles profondes dites «Jock columns», une tactique de harcèlement des lignes ennemies. En juin 1942, il prend part à la défense de Bir-Hakeim, repoussant les attaques allemandes. Le 10, les Français libres parviennent à briser l’encerclement, et rejoignent l’armée britannique. Une résistance infligée à l’Afrika Korps du général Erwin Rommel, qui permit aux troupes du général britannique Montgomery de se réorganiser à Alexandrie. Le 19 juillet 1942, face aux troupes de Koenig, de Gaulle déclarera : «Pour le monde entier, le canon de Bir-Hakein annonce le début du redressement de la Patrie !» Eprouvés, les hommes du Bataillon sont, eux, fondus dans le Bataillon d’infanterie de marine et du Pacifique (BIMP), sous les ordres du commandant Bouillon.

En Egypte, Ari Wong Kim est engagé à El-Alamein, bataille décisive de la guerre du désert, qui stoppe l’avancée allemande et italienne. En 1943, le volontaire participe à la campagne de Tunisie, où il se bat avec les hommes du général Leclerc. Fin avril 1944, il débarque à Naples, en Italie, où il prend part aux combats de Garigliano. Le 12 mai, il est touché par un éclat de mortier. Il est alors cité à l’ordre de la division et reçoit la Croix de guerre avec étoile d’argent. Débarqué sur les côtes méditerranéennes en août 1944, à Cavalaire (Var), Ari Wong Kim est blessé une seconde fois, à La Garde. Embarqué pour Oran, il est soigné à Blida en septembre 1944. Réintégré, il est engagé fin 1944 dans les violents combats des Vosges. A la Libération, le Tahitien intègre la garde du gouverneur militaire de Paris, Pierre Koenig, de novembre 1944 à septembre 1945.

De retour à Papeete, Ari Wong Kim est démobilisé en mars 1947. «Lorsque les volontaires du Bataillon du Pacifique s’en retournèrent dans leurs foyers, l’unité était déjà devenue l’une des plus emblématiques de la France libre, écrit Yacine Benhalima, auteur du Bataillon du Pacifique. 1940-1946 (L’Harmattan, 2021). Par sa précocité, par ses origines (ses soldats venaient de territoires ralliés parmi les premiers), par ses engagements reconnus à Bir-Hakeim et dans toutes les campagnes ayant suivi jusqu’à la capitulation allemande.» L’unité sera l’une des 18 membres des Compagnons de la Libération. Installé en France après avoir travaillé à la Samaritaine, Ari Wong Kim vivait depuis plusieurs années dans le Calvados, à la maison de retraite de Breuil-en-Auge. En septembre 2020, il avait été décoré de la Légion d’honneur, des mains de François Broche, le fils du commandant du Bataillon.