Le néologisme est joli : «Album de desesquecimentos», traduction littérale, «Album de désoubli». C’est ainsi que la plasticienne Mayara Ferrão a nommé son travail passé par les Rencontres photographiques d’Arles cet été jusqu’au 31 août, mais qui continue de circuler et de charmer sur les réseaux sociaux. Des images générées par l’IA, où des femmes noires ou autochtones s’embrassent amoureusement, créent l’illusion de portraits immortalisés sous la colonisation ou l’esclavage, patinés par les siècles. N’importe qui s’y tromperait en l’absence du contexte épinglé au mur, croyant à la découverte d’un fonds d’archives inestimable, dans la malle aux trésors d’un collectionneur.
«Que ces scènes aient eu lieu ou non, ce n’est pas la question : le pouvoir de l’imagination suffit à les justifier», lisait-on sur le cartel à Arles, avec cette citation de l’autrice brésilienne Fernanda Silva e Sousa : «Pour désoublier l’amour entre femmes noires, il faut créer de nouveaux souvenirs de ce dont on ne pensait pas pouvoir se rappeler.»
Manière aussi, a pu expliquer l’artiste çà et là, de mater l’algorithme à coups de requêtes disruptives pour déjouer les biais racistes de la base de données, et le manque d’imagination de l’IA quant aux vécus minoritaires.
L’audace a fait parle