C’est l’un des plus prestigieux prix de mathématiques. Le prix Abel a été décerné ce mercredi 20 mars à Michel Talagrand, spécialiste des probabilités et de l’analyse fonctionnelle, pour qui «les mathématiques donnent des ailes».
Agé de 72 ans, cet ex-directeur de recherche du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est récompensé «pour ses contributions révolutionnaires», qui ont eu «des applications remarquables en physique mathématique et en statistique», a expliqué l’Académie norvégienne des sciences et des lettres.
«Les maths, plus on en fait plus ça devient facile»
Dans un monde marqué par les phénomènes aléatoires, ses travaux ont contribué à développer des méthodes permettant de prédire ce qui va se produire, par exemple concernant la météorologie. Michel Talagrand, qui a fait carrière à l’Institut de mathématiques de Jussieu à Paris, est le cinquième Français à remporter le prix Abel depuis sa première édition, en 2003.
«Je n’aurais jamais cru cela possible, c’était une expérience incroyable d’entendre ça», a-t-il témoigné après avoir été informé de sa récompense. «Je n’ai pas réagi, je n’ai littéralement rien pensé pendant au moins cinq secondes». «Les mathématiques françaises se portent extrêmement bien, nous pouvons en être fiers», a-t-il encore souligné, à rebours des résultats décevants de l’école française dans les différentes études internationales.
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Le septuagénaire raconte avoir a choisi les mathématiques «par nécessité». «A l’âge de 15 ans, j’ai eu de multiples décollements de la rétine et, pendant dix ans, j’ai vécu dans la terreur de devenir aveugle». Pour le supporter et faute de pouvoir «aller courir avec les copains», il se plonge dans les chiffres. Son père étant agrégé de mathématiques, c’est vers cette matière qu’il se tourne «naturellement». Et «les maths, plus on en fait plus ça devient facile», confie-t-il.
Mathématicien exceptionnel
«Michel Talagrand s’avère être un mathématicien exceptionnel, doublé d’un redoutable spécialiste dans la résolution de problèmes», a commenté le président du comité du prix Abel, Helge Holden.
Selon le CNRS, «il a grandement contribué à notre compréhension des processus aléatoires et en particulier des processus gaussiens. Ses travaux ont redéfini plusieurs domaines de la théorie des probabilités», a-t-il ajouté. «Notre vie entière est guidée par la distribution gaussienne : le poids des bébés à la naissance, les résultats obtenus par les élèves à l’école et l’âge auquel les athlètes prennent leur retraite sont autant d’événements apparemment aléatoires qui suivent parfaitement la distribution gaussienne», salue le Centre national de la recherche scientifique.
Baptisé en hommage au mathématicien norvégien Niels Henrik Abel (1802-1829) et doté de 7,5 millions de couronnes (environ 647 000 euros), le prix sera officiellement remis à Oslo le 21 mai. La récompense a été créée au début des années 2000 par le gouvernement norvégien, entre autres, pour compenser l’absence de prix Nobel dans le domaine des mathématiques.