Le prix Nobel de physique s’intéresse cette année aux «machines qui apprennent». Autrement dit, à l’intelligence artificielle. Le prestigieux prix a été attribué ce mardi 8 octobre par l’Académie royale des sciences de Suède à deux pionniers dans ce domaine aujourd’hui en pleine explosion : l’Américain John Hopfield et le Britanno-Canadien Geoffrey Hinton, «pour leurs découvertes et inventions fondamentales ayant rendu possible l’apprentissage automatique avec des réseaux de neurones artificiels».
C’est le deuxième prix Nobel a avoir été décerné cette semaine. La saison 2024 a été lancée lundi par le prix de médecine, attribué aux Américains Victor Ambros et Gary Ruvkun pour la découverte du microARN. Et ce n’est pas fini : mercredi, l’Académie de Suède rendra public le nom du prix Nobel de chimie. Elle continuera avec la littérature jeudi, la paix vendredi et l’économie lundi 14 octobre.
En 2023, les chercheurs français Anne L’Huillier et Pierre Agostini, ainsi que leur collègue austro-hongrois Ferenc Krausz, avaient été distingués pour leurs travaux sur l’attoseconde, dont les applications pourraient concerner la recherche médicale et industrielle. Le trio avait été récompensé pour avoir créé «des impulsions extrêmement courtes de lumière qui peuvent être utilisées pour mesurer les processus rapides au cours desquels les électrons se déplacent ou changent d’énergie». Anne L’Huillier était la cinquième femme seulement à obtenir le Nobel de physique depuis 1901.
S’inspirer de la structure du cerveau
«Quand nous parlons d’intelligence artificielle, nous pensons souvent à l’apprentissage automatique utilisant des réseaux de neurones», explique l’Académie des sciences suédoise, qui fait un retour historique sur le développement de cette technologie qui nous entoure aujourd’hui dans tous les aspects de la vie quotidienne. Les algorithmes d’IA sont dans nos smartphones pour corriger automatiquement l’aspect de nos photos, sur les réseaux sociaux pour traduire automatiquement les messages dans notre langue maternelle, dans les logiciels de navigation routière pour simuler les rues que l’on doit emprunter…
Au départ, l’apprentissage automatique «s’inspire de la structure du cerveau. Dans un réseau de neurones artificiel, les neurones sont représentés par des nœuds qui portent différentes valeurs. Ces nœuds s’influencent l’un l’autre via des connexions, qui peuvent être comparées à des synapses, et que l’on peut renforcer ou affaiblir.» On obtient ainsi un logiciel flexible et évolutif. Il ne reste qu’à lui «apprendre» une tâche, par exemple reconnaître des panneaux de signalisation sur des photos à 360° prises dans la rue, en lui fournissant des milliers de ces photos. Le logiciel analyse les photos, trouve les points communs, et plus il s’«entraîne», mieux il peut affiner ses propres réglages pour se rapprocher du résultat attendu.
«Classer des images ou créer de nouveaux exemples»
«Les lauréats de cette année ont conduit des travaux importants avec les réseaux de neurones artificiels depuis les années 1980», résume l’Académie des sciences suédoise. L’Américain John Hopfield a «inventé un réseau utilisant une méthode pour retenir et recréer des modèles» en s’inspirant du spin, une propriété des particules qui composent la matière. Hopfield est aujourd’hui professeur au département de biologie moléculaire à l’université de Princeton.
Quant à Geoffrey Hinton, il a «utilisé le réseau de Hopfield comme fondation pour un tout nouveau réseau qui utilise une méthode différente : la machine de Boltzmann.» Inventée en 1986, cette machine peut apprendre à reconnaître des éléments caractéristiques dans un jeu de données qu’on lui donne en entrée – comme ces panneaux de signalisation sus-cités –, et ceci sans qu’un être humain ne lui ait montré un exemple de panneau. La machine détecte toute seule ces détails qui se répètent (ronds, carrés, blancs ou jaunes avec un pictogramme, bref : des panneaux). Et en sortie, elle «sait classer des images ou créer de nouveaux exemples du motif sur lequel elle s’est entraînée.» Geoffrey Hinton est une figure reconnue internationalement dans le domaine de l’intelligence artificielle, et a déjà reçu en 2018 le prix Turing, dans le domaine de l’informatique, aux côtés de deux autres pionniers, Yoshua Bengio et Yann Le Cun.
Mise à jour mardi 8 octobre à 12h45 avec plus de détails.