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Lauréats

Prix Nobel de médecine 2024 : les Américains Victor Ambros et Gary Ruvkun récompensés pour la découverte du microARN

Les deux chercheurs américains ont été distingués ce lundi 7 octobre pour leurs travaux qui ont conduit à identifier cette nouvelle classe de molécule et leur rôle majeur dans la régulation de l’expression des gènes.
Le secrétaire général du comité Nobel, Thomas Perlmann, lors de l'annonce des lauréats du prix de physiologie et de médecine à Stockholm, lundi 7 octobre 2024. (Jonathan Nackstrand/AFP)
publié le 7 octobre 2024 à 11h39
(mis à jour le 7 octobre 2024 à 12h56)

La saison des prix Nobel 2024 est ouverte, et la génétique est à l’honneur. Les Américains Victor Ambros et Gary Ruvkun – 70 et 72 ans – ont reçu ce lundi 7 octobre le prix Nobel de médecine et de physiologie pour leur découverte du microARN. Leur prix s’accompagne d’une récompense de 11 millions de couronnes (920 000 euros), soit la plus haute valeur nominale (dans la devise suédoise) dans l’histoire plus que centenaire des Nobel. La nouvelle classe de molécule ARN minuscule qu’ils ont découverte joue un rôle crucial dans la régulation de l’activité des gènes. «Au niveau thérapeutique, il existe un essai clinique en cours pour traiter le cancer du foie avec un microARN qui empêcherait la croissance de la tumeur. Les premiers résultats semblent prometteurs», avance Michele Trabucchi, chercheur en biologie moléculaire à l’Inserm.

Pour comprendre la portée de leur découverte, il faut plonger au cœur des cellules humaines. Dans le noyau, réside l’ADN, l’acide désoxyribonucléique, qui contient toute l’information génétique nécessaire pour faire un être humain. L’ADN est composé de petites sections, appelées gènes. En général, chaque gène porte l’information nécessaire pour construire une protéine. Par exemple, un gène porte le code pour la fabrication de l’hémoglobine, la protéine qui transporte l’oxygène dans le sang.

Mais l’ADN est confiné dans le noyau. Il n’en sort jamais. Quand la cellule veut s’en servir, elle utilise une copie, appelée ARNm pour acide ribonucléique messager. Cet ARNm sort du noyau et va être pris en charge par la machinerie cellulaire pour permettre la création d’une protéine. L’une des grandes questions de la génétique est de comprendre le mécanisme qui évite qu’un neurone ne fabrique des protéines musculaires, ou qu’un muscle produise une rétine…

Un ver rond d’un millimètre

Très vite, des éléments de régulation ont été mis en évidence au moment de la lecture de l’ADN. Mais en 1993, Victor Ambros et Gary Ruvkun découvrent un autre mécanisme de régulation en travaillant sur deux gènes d’un ver rond d’un millimètre appelé C. elegans. Ils démontrent qu’un de ces gènes – lin-4 – ne débouche pas sur la création d’une protéine. Il engendre la création d’une très courte molécule d’ARN, appelée microARN, qui est capable d’empêcher l’expression d’un autre gène – lin-14. Plus surprenant, il agit directement sur l’ARNm de lin-14 et non sur l’ADN.

Il s’agit donc d’une nouvelle compréhension dans la régulation génétique. Celle-ci n’a pas lieu dans le noyau sur l’ADN mais dans la cellule, sur l’ARNm. Il faudra attendre l’an 2000 pour que Ruvkun prouve l’existence de microARN dans d’autres espèces que le ver C. elegans, y compris chez nous. «Chez l’humain, on dénombre environ 2 000 microARN qui régulent environ la moitié des 21 000 gènes», explique le chercheur en biologie moléculaire au CNRS Jean-Philippe Combier. «Sans microARN, une plante ou un animal n’est pas viable. Il est essentiel pendant le développement et pour répondre aux stress, notamment. Mais on ne connaît pas le rôle de la grande majorité des microARN», poursuit-il.

Des investissements massifs dans le secteur

Au fur et à mesure que l’on comprend mieux ces microARN, des espoirs thérapeutiques naissent. «Pour le moment, les microARN sont utilisés pour le diagnostic, dans le cadre de ce qu’on appelle désormais la médecine personnalisée. L’idée est de voir, chez un patient, si le niveau de tel ou tel microARN est significativement altéré. On essaie aussi d’identifier ainsi les cas de pathologies agressives nécessitant une intervention urgente», détaille Michele Trabucchi. Une société, Cardior Pharmaceuticals, développe des traitements ciblant ces microARN pour guérir des maladies cardiaques. Elle a été rachetée plus d’un milliard d’euros en mars par Novo Nordisk.

Les découvertes s’enchaînent dans le domaine, et Jean-Philippe Combier, lui, travaille sur les microprotéines issues de ces microARN. Contrairement à ce que l’on pensait initialement, ces petits ARN codent bien pour de petites protéines «appelées miPEPs ou micropeptides» et dont le «rôle principal est d’augmenter la quantité de microARN», développe le chercheur. Lui-même a monté une société basée sur cette technologie, appelée Micropep Technologies. Fondée en 2016, la start-up a levé 60 millions d’euros. Son but ? Remplacer les pesticides en agriculture par des micropeptides qui ne polluent pas l’environnement. On n’a pas fini d’entendre parler des microARN.

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