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Utilisation de données par l’IA : Anthropic va verser 1,5 milliard de dollars pour indemniser des auteurs de livres

Poursuivie pour avoir téléchargé illégalement des millions d’œuvres, la start-up américaine s’est évité grâce à cette transaction un procès qui aurait pu conduire à une condamnation bien plus lourde.

Photo d'illustration. (Dado Ruvic/Reuters)
Publié le 08/09/2025 à 16h04

Un accord à l’amiable qui constitue une étape marquante dans le débat sur l’utilisation de données par l’IA. La start-up américaine d’intelligence artificielle (IA) Anthropic a accepté de verser au moins 1,5 milliard de dollars à un fonds d’indemnisation d’auteurs, ayants droit et éditeurs qui poursuivaient l’entreprise pour avoir téléchargé illégalement des millions de livres, selon un document de justice publié vendredi 5 septembre.

«Cet accord historique est le plus élevé pour une affaire de droits d’auteur», a commenté auprès de l’AFP l’avocat des détenteurs de droits, Justin Nelson, du cabinet Susman Godfrey. «C’est le premier de son genre dans l’ère de l’IA».

Le montant sur lequel se sont accordées les parties sera au minimum de 1,5 milliard de dollars. Il pourrait augmenter si la liste définitive des livres concernés, qui n’est pas encore arrêtée, dépassait 500 000 ouvrages, auquel cas Anthropic verserait 3 000 dollars de plus par livre.

Fin juin, le juge californien saisi du dossier avait estimé que le fait d’alimenter un logiciel d’IA générative avec des œuvres en théorie protégées par le droit d’auteur ne constituait pas une infraction. Il avait seulement retenu contre Anthropic le téléchargement et le stockage de livres issus de librairies pirates en ligne, reconnaissant la société californienne coupable de ne pas avoir acheté ces ouvrages.

«Nous sommes en désaccord avec l’opinion du tribunal selon laquelle on peut séparer le téléchargement d’une œuvre de son utilisation», a déclaré une porte-parole d’Anthropic. Mais «nous pensons que cet accord va nous permettre de nous concentrer sur notre mission essentielle, plutôt que sur un long contentieux», a-t-elle ajouté.

L’accord «établit un précédent»

Cette transaction permet à Anthropic d’éviter un procès, qui devait démarrer début décembre pour déterminer le montant des dommages et intérêts. La start-up risquait d’être condamnée à débourser une somme bien supérieure à celle décidée avec les détenteurs de droit, au point de mettre en péril son existence même.

L’accord «va assurer à chaque (plaignant) une indemnisation significative», fait valoir l’avocat Justin Nelson, «et il établit un précédent en matière de paiement des détenteurs de droits

La plupart des grands acteurs de l’IA générative s’appuient sur la notion juridique d’utilisation équitable («fair use» en anglais), susceptible de limiter l’application du droit de propriété intellectuelle. Dans sa décision de juin, le juge Alsup avait estimé qu’en entraînant ses modèles d’IA, baptisés Claude, avec des milliers de livres, Anthropic s’inscrivait dans le cadre de cette utilisation équitable.

«Le principe juridique selon lequel le développement de l’IA sur des œuvres protégées relève d’une utilisation équitable demeure intact», souligne la porte-parole d’Anthropic. Cet accord «ne fait que régler un différend sur la façon dont certains documents ont été obtenus», poursuit-elle.

«Nous espérons qu’il s’agisse du premier exemple d’une longue série de sociétés d’IA à qui on demande des comptes pour le vol de contenu créatif», a réagi l’organisation Human Artistry Campaign, qui milite pour un développement responsable de l’IA. «Ce n’est qu’un début», considère l’association sur X, «mais il est marquant et historique

L’accord entre Anthropic et le fonds d’indemnisation des auteurs et ayants droit doit encore être homologué par le juge William Alsup. Une audience est prévue ce lundi 8 septembre au tribunal fédéral de San Francisco.