Vénus, au centre de sa coquille Saint-Jacques, paraît tout d'un coup si frêle, si mince et les anges autour d'elle, si loin. «Les rondeurs des reins semblent prendre l'essor», et on jurerait avoir aperçu un «ulcère à l'anus». Pourtant, ce n'est pas la Vénus Anadyomène de Rimbaud sortant de sa baignoire en fer-blanc, mais celle de Botticelli avec quelques coups de pinceau de Photoshop pour l'adapter à nos codes de beauté actuelle. La jeune artiste italienne Anna Utopia Giordano a décidé de réinterpréter des célèbres tableaux (1) pour interroger notre société : à quoi ressembleraient les femmes de Botticelli ou d'Ingres si elles étaient peintes aujourd'hui ?
«Apparence». «Je retouchais des photos pour le livre d'un ami et je réfléchissais à l'importance dans notre société des réseaux sociaux et du devoir de paraître, raconte-t-elle à Libération, lorsqu'elle a eu l'idée de ce travail. Aujourd'hui, pour être accepté, il faut transformer son apparence.» Elle décide de travailler spécialement sur l'image de Vénus, «l'icône de beauté par excellence». Une fois passées sous les scalpels du logiciel de retouche photo, les déesses de l'amour sont désormais beaucoup plus fines de taille, les hanches ont pratiquement disparu et les seins sont, en proportion, plus gros. Là où la Vénus endormie d'Artemisia Gentileschi (1593-1652) frappait par une certaine opulence, un plaisir de se reposer lascivement,