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Libération
Interview

«La nudité produit de la norme»

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Arnaud Baubérot, historien, relativise la notion naturel-artificiel :
publié le 15 octobre 2012 à 20h16

Arnaud Baubérot, historien, maître de conférences à l’université Paris-Est Créteil, a travaillé sur la nudité et le naturel (1).

Comment analysez-vous cette campagne du Conseil des femmes du Danemark qui milite pour des seins naturels ?

Il me semble que trois points de vue sont à considérer. D’abord celui de ce conseil pour qui des seins à prothèses sont l’expression d’un désir masculin, et l’on sait que cette norme esthétique vient de la pornographie. Selon cette assemblée, les femmes à prothèses mammaires se soumettent donc à des exigences masculines de domination ; elles renoncent à être elles-mêmes pour accepter de devenir objet du désir sexuel des hommes. Donc, l’objectif du Conseil des femmes, c’est de les inciter à se libérer de cette domination. Ensuite, du point de vue des hommes, on peut également souscrire à cette requête : tout le monde ne recherche pas l’hypersexualisation, elle peut même être dérangeante. Les hommes aussi sont soumis à des normes esthétiques comme l’image de corps masculins très musclés qui sont parfois pesantes. Enfin, du point de vue des femmes qui portent des prothèses, il ne s’agit sûrement pas d’un rapport de domination. Elles considèrent au contraire que la séduction implique une concurrence et elles veulent pouvoir la tenir. Pour elles, il ne s’agit pas de se soumettre mais d’avoir prise sur son destin. Il existe donc plusieurs façons de vivre son identité de genre.

Mais pourquoi focalise-t-on autant sur les seins ?

Les attributs de la féminité varient selon les époques. C'est une question de mode. A la fin du XIXe, le corset s'est démocratisé, dessinant une silhouette qui mettait en