L’amateur de porno, on le connaît, il est bien identifié. En très grande majorité masculin, même si les femmes sont de plus en plus nombreuses, il regarde des scènes sur Internet, Canal + ou en louant des DVD. Il se masturbe, il jouit et passe à autre chose. En revanche, les petites mains derrière, celles qui jouent et produisent, sont nettement moins connues. Mathieu Trachman, jeune docteur en sociologie, a justement décidé de s’intéresser à ces ouvriers du porno, pour aller au-delà des clichés de l’argent et des femmes faciles.
Entre 2006 et 2010, il a mené une enquête qualitative dans le milieu du porno hexagonal, publiée aujourd'hui dans le Travail pornographique, 300 pages denses et passionnantes (1). Il a rencontré 73 personnes pour tenter de saisir comment sont fabriqués les fantasmes. Avec un point de vue qu'il assume : gay, ayant pris conscience tardivement de son homosexualité, il s'intéresse tout particulièrement à la manière dont fonctionne le porno hétérosexuel. Cela lui permet d'adopter un point de vue distancié sur les pratiques mises en scène. Dans cette industrie, les producteurs et les réalisateurs, qui ont la plupart du temps la double casquette, jouent un rôle prépondérant. Dans un univers capitalistique ultraconcurrentiel, ils arbitrent entre leurs propres pratiques sexuelles, les fantasmes qu'ils veulent voir mis en scène et les désirs potentiels du spectateur.