Si vous avez manqué le début, ou la fin, voire le milieu de ce qu'on appelle les gender studies et les théories queer, pas de panique. Anne-Emmanuelle Berger peut vous aider. Dans son essai Le Grand Théâtre du genre (1), elle explique entre autres pourquoi la drag queen est la figure iconique d'un certain féminisme, comment le concept de «performance» est l'enfant de la sociologie américaine et de Lacan. Elle fait surtout le tour du cliché du «pouvoir» et ausculte ses penchants libéraux.
De quoi traite le Grand Théâtre du genre ?
Je m'intéresse aux conditions intellectuelles et culturelles d'émergence de ce qu'on a appelé la théorie du genre aux Etats-Unis, ainsi qu'à ses modes de réception en France. J'essaie d'apporter des éclairages différents sur cette histoire et sur le champ théorique et politique qu'elle a contribué à dessiner. Mon livre traite plus particulièrement de l'articulation entre théorie du genre et théorie queer à travers une série de questions : par exemple, celle de la centralité de la figure théâtrale de la drag queen, ou encore de la «prostituée», pour tout un féminisme formé par la pensée queer.
Qu’entend-on par «théorie du genre» et «théorie queer» ?
La distinction entre sexe et genre a été théorisée aux Etats-Unis dans les années cinquante dans les parages de travaux à la fois médicaux et psychosociologiques sur l'intersexualisme et le transsexualisme. Ce qui me fait dire que la théorie du genre a toujours été queer, puisque ce terme désigne tout ce qui porte le trouble dans l'ordre binaire et normatif des