Enseignante à l’université d’Artois (Nord), Agnès Walch est historienne de la vie conjugale et de l’intimité. Elle explique comment la parole féminine sur le sexe et le plaisir a longtemps été confisquée par les hommes.
«Au cours de l'histoire, la parole féminine sur la sexualité a quasiment toujours été absente. Du XVIe au XXe siècles, les discours sur le plaisir ou le sexe, qu'ils soient médicaux, religieux ou moraux, ont toujours été produits par les hommes. Même dans les boudoirs, qu'on imagine comme des lieux féminins et plutôt libérés, les femmes ne parlaient pas de sexe entre elles. Dans la littérature pornographique du XVIIIe, il y a très peu de témoignages ou d'ouvrages de femmes. On trouve çà et là quelques-unes qui parlent de la sexualité, mais de manière évasive. Certaines évoquent les "caresses" de leur mari et leur "joie" de se retrouver au lit avec lui, mais sans donner de détails.
«Au XIXe, dans les milieux populaires, les langues des femmes se délient lors des procès pour adultère. C'est une parole alors très transgressive, violente, qui revendique une sexualité autonome. Et qui choque terriblement. Les femmes étaient silencieuses sur ces questions car considérées comme passives, comme de simples réceptacles. Leur sexualité et leur plaisir étaient jugés secondaires. Dans ces sociétés patriarcales, leur parole était infériorisée pour mieux la contrôler et la maîtriser. Même leur éducation leur faisai