Emilie Jouvet est une réalisatrice et militante féministe prosexe. Elle se réjouit de la prise en main par les lesbiennes de leur sexualité.
Existe-t-il une difficulté des lesbiennes à s’emparer du sujet de leur propre sexualité ?
C'est un peu une difficulté commune aux femmes dans leur ensemble, pas spécifiquement aux lesbiennes. Même si on parle beaucoup de sexualité aujourd'hui, il y a toujours une pression sur elles. Elles ne seraient pas censées être libérées sexuellement, avec ce côté slut-shaming, comme on dit en anglais, où on critique celles qui ont un comportement qui sort de la norme. Les lesbiennes, elles, vivent une sorte de double peine : le sexisme en tant que femme et aussi la lesbophobie. Après, j'ai le sentiment qu'elles s'affranchissent de plus en plus de ce regard et peuvent être même précurseures, la PlayNight en est un exemple. Le fait qu'il y ait peu de représentations médiatiques des lesbiennes les a peut-être amenées à se poser plus de questions, à plus réfléchir sur leur sexualité.
On a l’impression que les lesbiennes ont mis plus de temps que les gays sur cette question…
Ce sont deux univers très différents. Les gays, depuis très longtemps, se sont emparés d'espaces variés et vivent leur sexualité de manière très libre et sans entrave. Il ne faut pas oublier l'importance de la question économique : les femmes gagnent moins d'argent. Sortir, louer des lieux, boire, organiser des soirées : cela coûte cher. Tout de même, ça a bien bougé. Lorsque j'ai réalisé, en 2006, One Night Stand, c'était la première fois qu'une femme lesbienne réalisait un film porno queer, trans et lesbien. Au début c'était très compliqué