Se rendre au magasin à l'autre bout de la ville, avoir peur de croiser tout de même quelqu'un et rencontrer, en effet, ses voisins, trembler, devenir tout rouger, inventer un mensonge. Dans Le Playboy, Chester Brown raconte ses émois d'adolescent, imaginant chaque mois des stratagèmes pour acheter le dernier exemplaire de la célèbre revue de charme sans se faire attraper. Publié pour la première fois en 1992 au Canada puis diffusé en France par les 400 coups, Playboy ressort aux éditions Cornélius dans une version revue et commentée par l'auteur de Vancouver.
Par courriel, Chester Brown nous a expliqué quel regard il porte sur cet album et les souvenirs qu'il garde de cette période étrange de l'adolescence où l'on découvrait les corps de femmes irréelles sur du papier glacé.
Vingt et un an après, que pensez-vous de votre BD ? Avez-vous eu envie de changer pas mal de choses dans cette version ?
Je trouve que la version ailée de moi-même était trop mignonne. C’était une manière narrative expérimentale en BD, et cette expérimentation ne marchait pas très bien.
Plus qu’une histoire de Playboy, c’est une histoire de culpabilité. Pourquoi était-ce mal pour les garçons de lire ce magazine ?
Je ne pense pas en fait que c'était mal pour moi ou pour les autres garçons de lire Playboy. La société, et notamment mes parents, n'aurait pas dû me faire sentir que regarder des photos de femmes nues était une mauvaise chose.
Achetez un Playboy (et le cacher) était toute une aventure. Aujourd’hui, avec Internet, c’est beaucoup plus simple de trouver des contenus excitants pour se masturber. Vous pensez que ça va changer le rapport des jeunes avec la sexualité et les fantasmes ?
Dans une dizaine d'années, il sera intéressant d’écouter les histoires des adolescents d’aujourd’hui sur leurs expériences et leur rapport avec la pornographie. Accéder à la pornographie aujourd’hui n’est pas la même aventure qu’avant. Mais il y a toujours sans doute une sorte de tension person