«De frais et musculeux jeunes gens se livraient à un rite curieux dont le sens évidemment ne m'a pas échappé. Ils se rassemblaient en grappe, et aussitôt chacun enfonçait sa tête entre les fesses de celui qui le précédait et cela de toutes ses forces, agrippé de deux bras à ses voisins, tellement que ce nid de mâles ondulait et chancelait sous la poussée d'une cohue de cuisses arc-boutées.» Comme le narrateur dans les Météores de Michel Tournier, peut-être avez-vous un jour songé à la dimension homo-érotique d'un match de rugby. L'anthropologue Anne Saouter en a fait un sujet d'étude. «Dans le rugby, le corps joue dans tous les sens, avec tous ses sens, touche et est touché en permanence», affirme-t-elle dans Etre rugby, jeux du masculin et du féminin.
Publié en 2000 après cinq ans d'enquête dans le Sud-Ouest, cet ouvrage, unique sur l'intimité de ce sport de contacts par excellence, est réédité aujourd'hui en poche et mis à jour. Treize ans après la première édition, cet essai à rebrousse-poil de la virilité affichée s'attaque-t-il à un tabou en décortiquant la «sensualité partagée entre hommes» ? Est-ce un affront à ces hommes qui se jettent dans la mêlée ? «Certains esprits peuvent y voir une attaque franche, mais ce serait mal comprendre la thèse d'Anne Saouter [qui est] dans le champ de l'anthropologie et du symbolique, de la psychologie de groupe», assure Serge Simon, ancien international et présid