Une falaise, agressée par les vagues. Une bouteille est lancée à la mer. Deux jeunes adolescents s’embrassent. Ils sautent, disparaissent, dans les flots, tourbillon.
«Ah… Père, Mère ! Pardonnez-nous. Pardonnez-nous. Pardonnez-nous»,
enjoignent-ils. Au loin, on entend la sirène d’un bateau. Dans
l’Enfer en bouteille,
le mangaka Suehiro Maruo s’attaque avec brio à une nouvelle de Kyûsaku Yumeno, auteur japonais de la première moitié du XX
e
siècle. Une jeune fille, Ayako, et son grand frère se retrouvent abandonnés sur une île tropicale. Ce sont les seuls rescapés d’un naufrage. Ils sont petits, mais ils arrivent à survivre, en Robinson Crusoé des temps modernes. Ils grandissent, leurs corps changent, ils se trouvent, mutuellement, de plus en plus attirants. Comment vont-ils survivre à leur pulsion ?
Dans cet éden à huis clos, ils ont peur, ils ont honte, mais ils ressentent du désir, et le lecteur se retrouve aussi mal à l'aise qu'eux. Tout le talent de Maruo est là, par son dessin fin, porté vers le rêve, le fantastique et la décadence, il ne nous laisse pas le choix de nos émotions. Dans cette nouvelle mais aussi dans les trois autres qui composent le recueil. Il s'adresse à nos tripes directement, à ces émotions du ventre qui nous disent que dégoûtés nous devrions être, mais, qu'humains, excités nous sommes un peu. «Maruo est l'incandescence totale de la colère sexuelle, de la volonté destructrice, de l'appel au secours permanent d'un enfant tort