Finit-on par ressembler au produit que l'on fabrique ? L'historienne Fanny Gallot (1) s'est penchée sur la confection de soutiens-gorge (2). En visitant des usines Chantelle et Lejaby en 2011 et 2012, en observant les mobilisations des ouvrières pour défendre leurs emplois, elle s'est aperçue que participer à la production d'un tel accessoire n'était pas neutre. Comme si réaliser avec soin un sous-vêtement qui vaut emblème de la féminité avait une influence sur l'apparence des femmes qui le cousent, le touchent et finalement le portent. En regardant de près les journaux d'entreprise, elle s'est aperçue que «le corps des mannequins constituait une norme, une référence pour les ouvrières». Avec la tentation de s'y conformer.
En revenant sur l'histoire de cette lingerie «entre domination et libération», Fanny Gallot souligne aussi sa double dimension. Au début du XXe siècle, le soutien-gorge remplace le corset, participant à l'émancipation du corps des femmes. Puis il devient à son tour symbole d'oppression pour les féministes américaines. «Rappelons qu'elles n'ont jamais brûlé leurs soutien-gorge mais avaient l'intention de le faire pour perturber l'élection de Miss America en 1968, raconte l'historienne. Elles en ont été empêchées, mais l'image est restée, et a servi la cause de l'antiféminisme» Dans les années qui suivent, les Français se distinguent par leur savoir-faire. Ces marques vantent une lingerie qui émancipe des f