C'est le plan cul le plus étrange qui soit. Un chercheur réputé du CNRS, spécialiste notamment de l'Afrique, se livre très sérieusement à l'analyse des pratiques sexuelles de deux jeunes hommes, Grégoire et Hector. L'un est plutôt homo, l'autre est en couple tendance bi, les deux utilisent Internet pour leurs plans cul. Ces deux cas n'ont pas valeur de sondage, ne se veulent pas représentatifs de la sexualité des Français : le Plan cul, de Jean-François Bayart, publié chez Fayard, n'est ni une encyclopédie ni une radiographie, mais une «analyse de la société française par le bas». Soit raconter par le cul le rapport au politique, la dissidence et l'ambivalence des relations sociales.
Pourquoi avoir choisi le plan cul pour raconter la société française ?
La sexualité est la chose à peu près équitablement partagée par le plus grand nombre, considérée comme vulgaire et sale, mais qui dit beaucoup de la domination sociale. «Moi, quand je baise, j'oublie tout, je suis comme un cheval, j'en ai trop envie», dit Hector dans mon livre. Le plan cul est bien un plan d'immanence, un élan vital, une énergie primaire. Néanmoins, il n'exclut ni le respect, ni la dignité, ni les sentiments. Ce que j'ai essayé de montrer à travers cette pratique sexuelle, c'est le caractère multidimensionnel de la société française. Nous sommes habitués à penser les sociétés sur le mode de l'unicité, à travers de grands concepts comme la République ou la laïcité. Or, si vous partez de ces catégories-valises, telles que l'identité nationale ou celle du