L’Europe compte au moins 1 286 691 personnes sans domicile. C’est le constat établi par la Fondation Abbé-Pierre et la Fédération européenne des organisations nationales travaillant avec les sans-abri (Feantsa) dans leur 9e «Regard sur le mal-logement», rendu public ce jeudi 19 septembre. Et même si «les chiffres bruts ne témoignent que rarement, à eux seuls, de la gravité d’une situation», précise le rapport, l’augmentation du mal-logement est «significative», souligne Sarah Coupechoux, de la Fondation Abbé-Pierre.
«Déterminants sociaux de la santé»
Pire, le rapport fait état d’un boom des mineurs sans domicile, qui seraient au bas mot 400 000 selon le décompte de l’organisation. «Beaucoup d’associations nous avaient alertés sur une augmentation des enfants et des familles dans leurs centres d’hébergement, poursuit la coordinatrice du rapport. Il nous semblait important de faire la lumière là-dessus.» Et de fait, alerte la Fondation, «de trop nombreux enfants européens sont privés des conditions leur permettant de vivre et de grandir dignement». Le recensement, effectué selon une méthode à peu près similaire à celle utilisée pour comptabiliser la population sans domicile globale, se heurte pourtant aux manques de données précises sur le sujet.
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Précarité énergétique, logements insalubres et dangereux, promiscuité dans les centres d’hébergement ou dégradation de l’accès à l’éducation et de la santé mentale : pour des enfants en plein développement, les conséquences de ces situations de mal-logement peuvent être très graves, alors qu’il est «aujourd’hui largement admis que le logement compte parmi les principaux déterminants sociaux de la santé». S’ajoute à cela l’inadaptation des centres d’hébergement face à la présence d’enfants et de familles.
Plus de 1 500 enfants à la rue en France
«A notre sens, c’est vraiment un scandale social, s’indigne Sarah Coupechoux. C’est inacceptable dans l’Union européenne, qui compte des puissances mondiales, d’avoir des enfants qui dorment à la rue, dans des hôtels, et qui ne peuvent pas se développer normalement.» La situation est notamment alarmante en Allemagne, où plus de 28 % des personnes vivant dans des structures d’accueil sont mineures. Tandis qu’en France, selon le rapport, «les derniers chiffres disponibles font état de plus de 1 500 enfants à la rue» – en très forte augmentation depuis et malgré l’objectif «zéro enfant à la rue» fixé en 2022 par le gouvernement d’Elisabeth Borne.
Derrière les chiffres inquiétants mis en lumière par ce rapport, la Fondation Abbé-Pierre voit néanmoins un point positif : ils témoignent d’un perfectionnement de la comptabilisation des personnes sans-abri dans de nombreux Etats européens, ce qui démontre «une véritable prise de conscience de la nécessité de lutter contre le sans-abrisme et le mal-logement». Un espoir que vient appuyer la mise en place en 2021 d’une Plateforme européenne de lutte contre le sans-abrisme, et la toute récente création d’un poste de commissaire européen dédié au Logement, en l’occurrence le Danois Dan Jorgensen, désigné par Ursula Von Der Leyen. Une lourde tâche l’attend.