Au printemps dernier, les sans-papiers ont vu arriver cette silhouette de vieux sage, au regard malicieux sous un large front dégarni. «Bonjour, je suis Stéphane Hessel, ambassadeur de France.» Il avait été appelé à l'aide pour former un «collège des médiateurs» dont il est devenu presque naturellement le porte-parole. Il n'a pas hésité, et n'a plus quitté les sans-papiers depuis. On l'a vu partout, détonnant toujours un peu avec ses phrases précieuses. Gravement assis, dans des entrepôts désaffectés de la SNCF, présidant des réunions de famille. Ou, debout sur une estrade, exhortant le gouvernement à l'humanité. Très peu savent que cet homme a été une figure de ce siècle.
Il est né à Berlin en octobre 1917, ce qui ne le prédisposera pas pour autant à la sympathie envers l'URSS stalinienne. Ses parents sont les artistes allemands Franz et Helen Hessel, dont l'histoire à trois, nouée avec Pierre-Henri Roché, a été racontée, de manière très romancée, dans Jules et Jim. L'histoire vraie s'est terminée non par un suicide-meurtre, comme dans le film de Truffaut, mais plus banalement par une séparation. Stéphane se souvient d'un père qui s'est «volontairement effacé» devant la passion amoureuse vécue par les deux êtres qu'il aimait le plus au monde. Ce père romancier, mais aussi Roché, lui ont transmis une passion pour la littérature et la poésie. A l'occasion, il se met ainsi à déclamer des passages entiers de Goethe ou Melville, en langue originale. Il confesse