Gazmend et Shqipe voulaient que leur bébé soit enterré là où ils
poseraient leurs maigres bagages. Il était impensable pour la jeune mère de laisser sur le bord d'une route le corps du petit qu'elle avait mis au monde trois semaines plus tôt. Mais, mercredi matin, les douaniers de la brigade de Dunkerque avaient décidé d'effectuer un contrôle sur l'autoroute A 16, qui dessert les littoraux français et belge. Cachée depuis l'aube avec cinq autres personnes dans la remorque d'un camion irlandais, Shqipe a aperçu les uniformes. Elle a serré un peu plus son bébé dans la couverture, comme s'il dormait. Les douaniers ne se sont d'abord aperçus de rien. «Quand on fouille, on espère surtout tomber sur de la drogue, ou des cigarettes, explique un douanier. C'est toujours moche quand on tombe sur des clandestins, souvent enfermés depuis des jours et des jours.» Mercredi, ils n'étaient pas au bout de l'horreur. Ce n'est qu'après une demi-heure, au poste de douane, que l'immobilité de l'enfant leur a paru étrange. L'un d'eux a alors constaté que le petit corps était glacé.
Des marks comme passeport. Tout l'été, Gazmend et Shqipe se sont cachés dans les montagnes du Kosovo, pour échapper à la guerre. Au début de l'automne, quand ils reviennent chez eux, leur passé est en cendres. Gazmend a 25 ans, il est «commerçant», colporteur plutôt. Shqipe, sa femme de 24 ans, est enceinte. Il n'y a décidément plus d'avenir pour eux à Glogovac, petite ville à 20 km à l'ouest de Pristina, la capitale d