Strasbourg, envoyée spéciale.
Pour la première fois, l'Etat français risque d'être condamné pour actes de «tortures», une accusation rarissime en droit européen.
Les dix-neuf juges de la Cour européenne des droits de l'homme défilent, silencieux, derrière le Suisse et président Luzius Wildhaber. L'immense tapis bleu étoilé de blanc aux couleurs de l'Europe étouffe leurs pas. L'instant est solennel. La cour siège en «grande chambre», au premier étage du palais des Droits de l'homme de Strasbourg. Il est 9 heures. Le premier à prendre la parole est le représentant de la Commission européenne des droits de l'homme, Daniel Svaby. Il plaide une demi-heure. Tout comme Marie-Alix Canu-Bernard, avocate au barreau de Paris. Et l'«agent» du gouvernement français, Jean-François Dobelle, directeur adjoint des affaires juridiques au Quai d'Orsay. Il est maintenant 10 h 30. Personne ne pose de questions, n'interrompt, ne commente. L'audience est terminée. Le président puis les juges repartent comme ils sont venus, en bon ordre. La cour va délibérer. Sa décision, qui sera connue dans deux à quatre mois, est sans appel.
Double violation. A cette violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme s'ajoute une autre incrimination, moins infamante: la violation de l'article 6.1, qui donne aux citoyens des Etats membres de l'Europe le droit à une décision de justice dans «un délai raisonnable». Car l'affaire examinée hier par la Cour remonte au soir du 25 novembre 1991.