Evelyne mettait ses boules Quiès pour ne plus entendre le
périphérique. Aujourd'hui, elle les enfile aussi pour ne plus entendre le silence de son immeuble. Evelyne est une célibataire de 52 ans qui vit seule au septième étage d'une barre HLM de quarante-huit logements au 6, cité Fougères, dans le XXe arrondissement de Paris. Un petit studio de 15 mètres carrés orienté est-ouest, qu'on dirait occupé par un locataire de passage, avec un matelas par terre, des livres empilés et des cartons de déménagement. Le tout pour 1 500 francs mensuels. Avec un double vitrage qui n'empêche pas les rumeurs du périphérique et la cime des arbres en perspective. Porte blindée. Tous les logements sont murés autour d'elle. Du vide, sur cinq étages au-dessus, sur six étages au-dessous. Les locataires, partis les uns après les autres depuis octobre, ont été relogés pour la plupart dans le quartier. L'immeuble doit être détruit pour laisser la place à un projet de cent trente logements, moins hauts et plus humains. Au 6, cité Fougères, Il n'y a plus de vitres protégeant les coursives d'accès. Le vent s'engouffre et fait siffler sa porte. Evelyne dit: «Je préfère ne pas y penser.» Un gardien d'un immeuble voisin lui a glissé: «Ils ont muré les caves pour empêcher les gamins de squatter.» Evelyne pense qu'on lui fait peur exprès. C'est vrai. Les caves n'ont pas été murées. Depuis qu'il n'y a plus personne, Evelyne a les clés de la porte blindée qui donne accès à tout l'immeuble. Elle a aussi l'ascen