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Libération

Mouloudji, 7 mai 1954. «Le Déserteur» fut créée le jour de la chute de Diên Biên Phû.

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publié le 24 mai 1999 à 1h09

Le Déserteur n'aurait pu être qu'une des nombreuses chansons contre

la guerre et pour la désertion. Le répertoire français n'en manque pas. Mais il fallut que cette chanson tombât au début des années 50, en pleine guerre coloniale. L'Indochine se soulevait, l'Algérie n'allait pas tarder à lui emboîter le pas. Du coup, elle est devenue un fleuron de la chanson pacifiste. Et pas seulement en France. La rengaine a repris du galon aux débuts des années 70, pendant la guerre du Viêt-nam, à l'occasion des marches pacifistes aux Etats-Unis et sur le Vieux Continent. Elle retrouva une nouvelle jeunesse en 1991, où après avoir ressurgi dans les cortèges contre l'intervention occidentale dans le Golfe, elle fut couchée sur les listes de proscription des radios. Cette continuité et cette universalité sont aussi à mettre au compte de la mélodie de Jimmy Walter, où récitatif du couplet et mélodie du refrain s'enchaînent dans un schéma on ne peut plus traditionnel, enrobant la dureté du propos sous le sentimentalisme de la musique. Vian, dont le succès réel, en tant que chanteur, fut posthume, avait demandé à Mouloudji de la créer. Ce qu'il fit le 7 mai 1954, le jour même de la chute de Diên Biên Phû, au théâtre de l'oeuvre. Mouloudji, père kabyle et mère bretonne, était parti pour faire une carrière de chanteur poétique, de chanteur de romances intelligentes. Bref, une carrière. La malchance voulu qu'il créa le Déserteur au moment du désastre indochinois, et c'est en quelque sorte la