C'était au creux de l'après-midi, mardi dans Paris. Le bus à
soufflets de la ligne 27, qui relie la porte de Vitry à la gare Saint-Lazare, fait halte à l'arrêt Clisson situé rue Jeanne-d'Arc (XIIIe arrondissement). Contrôle des billets par six agents de la RATP. Deux hommes d'une vingtaine d'années, au crâne rasé, n'ont ni titre de transport ni papiers d'identité. Passager du bus, un journaliste de Libération assiste à la scène, qui s'enraye à ce moment précis. «Les jeunes descendent en râlant un peu, encadrés par les membres de la RATP. Ils sont cueillis par quatre policiers en patrouille dans le coin, qui les malmènent d'emblée. Les gamins s'agitent sans frapper. Une paire de menottes vole dans les airs.» La RATP comme la préfecture de police, qui ont vent de l'affaire, opposent une version radicalement différente: pour la Régie, il s'agit d'«un groupe de jeunes qui a agressé et frappé deux contrôleurs dans le bus numéro 27. Souffrant de blessures à la tête et aux jambes, ces agents ont eu un arrêt de travail de trois jours».
Sur place, l'ambiance est tendue. Des gens descendent du bus, des passants s'arrêtent, quelques voix s'élèvent pour critiquer les méthodes policières. Selon notre témoin, «les deux jeunes sont maintenus à terre, les bottes des flics sur la nuque. Là ils se débattent vraiment. L'un d'eux reçoit une estafilade sur le crâne.» Un badaud crie: «Tout ça pour un ticket! C'est pas la guerre.» Tenant un enfant par la main, une vieille dame s'entend dire par un