Monsieur Liu est mort. Devant le 72, rue du Château-d'Eau à Paris,
on a posé une grande couronne de fleurs avec des rubans funéraires en mandarin. Au milieu, une photographie de Yu Tao Liu. Jamais de son vivant, monsieur Liu ne se serait ainsi mis en avant. Dans ce quartier, «Chinois, Juifs, Turcs, Maghrébins et Africains se côtoient à longueur de journée sans grand problème, mais bon, ça s'agite pas mal, affirme un commerçant. Lui, je le voyais souvent, pas très grand, toujours poli, mais jamais un mot plus haut que l'autre.» «Mon père était quelqu'un qui s'effaçait tout le temps», confirme Aimée Liu. Le 29 septembre, pourtant, il a osé un geste de protestation.
Hémorragie cérébrale. Vers 20 heures, tandis qu'il rentrait de son travail, la place de stationnement qu'il convoitait était encombrée de poubelles. Il est descendu de voiture et a mis les poubelles sur le trottoir. Le temps qu'il se réinstalle au volant, une autre voiture avait pris la place. Alors, Yu Tao Liu est redescendu de sa voiture, est allé frapper à la vitre de celui qu'il considérait comme lui ayant volé sa place. A partir de là, les versions divergent. Le conducteur de la voiture qui a pris la place de monsieur Liu, Pierre A., affirme que Liu vociférait derrière la vitre, qu'il a ouvert brutalement la portière. Yu Tao Liu serait alors tombé, sa tête aurait heurté le sol. C'est ce qu'a raconté Pierre A. à la police, arrivée sur les lieux tandis que monsieur Liu était conduit à l'hôpital, sans connaissance.