Ce mardi 11 février marque le vingtième anniversaire de la grande loi française sur le handicap. Un texte qui fait date pour avoir affiché des ambitions fortes en matière d’accessibilité, de compensation humaine et financière, ou d’accès à l’école. Et qui nourrit des déceptions à la hauteur des espoirs suscités à l’époque. Pour l’occasion, nombre d’organismes dressent leur bilan de loi, à l’image du Conseil économique, social et environnemental. Deux de ses membres, l’athlète Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français, et Jérémie Boroy, le président du Conseil national consultatif des personnes handicapées, présentent ce mardi leur analyse de la situation et formulent de nouvelles propositions pour que les droits des personnes handicapées soient enfin effectifs. Jérémie Boroy explique leur positionnement à Libération.
Quel regard portez-vous sur la loi de 2005, vingt ans plus tard ?
Un regard nuancé. Cette loi a posé un cadre particulièrement intéressant, il y a un avant et un après grâce à elle, néanmoins on voit tout de suite ce qui manque encore. Une des plus belles avancées, qu’on oublie peut-être aujourd’hui parce que les besoins sont encore très loin d’être couverts, c’est cette idée de compensation des conséquences du handicap [via des aides humaines, techniques et financières, ndlr]. C’est la loi de 2005 qui l’a créée, avec pour la première fois un financement à la clé. Et des dispositions auxquelles on ne s’attendait pas ont marché. Je pense à l’audiovisuel : en 2005, personne ne voulait de l’obligation de sous-titrage sur les principales chaînes. Les délais ont été très bien respectés et l’idée est d’aller encore plus loin.
Qu’est-ce qui est le plus problématique à ce jour ?
Le sujet de l’accessibilité : on est complètement en dehors des clous. Il faudrait une loi de programmation pour planifier les choses, ça n’a pas été fait et ça manque. La loi de 2005 faisait aussi la belle promesse de l’école, mais si on ne planifie pas les choses pour que, demain, il y ait une seule école pour tous, vers laquelle on fait converger toutes les ressources, y compris celle du médico-social, on n’y arrivera pas. Un autre élément fondamental est celui de la formation des acteurs dans tous les secteurs, qui est totalement indissociable de l’objectif d’accès au droit commun.
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En réalité, même si la date fait qu’on s’intéresse à la loi de 2005, on aimerait surtout qu’on parle de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies, ratifiée peu de temps après [en 2010] et qui est passée sous les radars. On continue de faire le grand écart entre les deux.
Qu’a-t-elle de différent ?
La convention a un cadre davantage axé sur l’accès au droit commun. Elle est là pour faire en sorte que chacun, quel que soit son handicap, ait bien accès à ses droits fondamentaux. Tant qu’on reste sur une approche médicale basée sur la déficience des personnes, on reste focalisé sur des réponses individuelles. Il faut qu’on considère bien le handicap comme une conséquence de l’environnement qui n’est pas adapté.
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La convention prévoit des «aménagements raisonnables», une dimension très importante pour nous. Le terme est une mauvaise traduction d’un contexte anglo-saxon, ça n’a rien de raisonnable, au contraire c’est extrêmement puissant, puisque ça permet de dire à un acteur : quelles que soient vos contraintes d’accessibilité, vous vous débrouillez pour que j’accède à ce que vous m’apportez et si vous refusez, ça pourra être qualifié de discrimination en justice. La France devait décliner les aménagements raisonnables dans la loi, sur tous les secteurs. Nous l’avons, sur le papier, sur la question de l’emploi et, plus récemment, sur les aménagements d’examens pour les étudiants.
Faut-il selon vous une nouvelle loi ?
Non, nous pensons qu’il faut mettre à jour nos lois et trouver le mécanisme qui nous permette de nous assurer que toutes les lois soient pour tous les Français. C’est absolument essentiel que nous passions d’une logique de lois spécifiques à une catégorie de la population à une logique d’accès au droit commun.