Evelyne, 17 ans en 1977.
J'avais 18 ans moins 6 mois. Je comptais les jours pour partir de chez moi. Je devais passer le concours d'instituteur parce qu'à l'école normale les études étaient payées. Je me suis retrouvée enceinte d'un garçon dont je n'étais pas amoureuse. J'étais ignare en tout, je ne savais même pas que l'avortement était autorisé en France, je ne connaissais rien à la contraception, j'ai appris plus tard qu'on pouvait avoir la pilule sans l'autorisation des parents. De toute façon, je ne connaissais pas le Planning et je ne pouvais pas parler de ça avec le médecin de famille. Chez moi, on ne parlait pas de sexualité, les filles, nous devions nous débrouiller pour acheter des tampons hygiéniques, même entre soeurs c'était tabou. Je ne me suis pas confiée à ma mère, mais à l'infirmière du lycée. Elle m'a dit que l'établissement ne pourrait pas me garder. C'était la fatalité, je n'avais pas de chance, c'est à peu près tout ce qu'elle m'a expliqué. Ma mère a eu une réaction que j'ai mis des semaines à comprendre: elle était ravie. Catholique pratiquante, elle m'a dit que ça ne la gênait pas, que je n'étais pas obligée de me marier, elle ne s'est même pas intéressée au garçon responsable de ça. Elle s'est mise à me couvrir de cadeaux, à organiser ma vie future à la maison. Des copines m'ont expliqué qu'on pouvait aller à l'étranger pour avorter; moi, je n'avais même pas de carte d'identité. J'ai compris qu'elle voulait me piquer mon bébé. Alors j'ai pris, en secre