Prades, envoyé spécial.
Les «mates» sont des hommes et des femmes absents du dictionnaire. En ville, on dirait SDF, ou marginaux. Là, ils vivent dans la nature. Et leur existence n'a pas encore été consignée. «Mates», ça n'existe qu'en argot catalan. ça veut dire mauvaise herbe. Buisson, tignasse. Les «mates» vivent dans le sud de la France, près de Perpignan, au pied du Canigou. Jeudi dernier, six d'entre eux sont passés au tribunal d'instance de Prades, où ils comparaissaient pour dégradation de biens. Certains grelottaient. De 18 à 26 ans, barbe, dreadlocks, chaussures de montagne. Ils ont demandé: «C'est chauffé leur machin?» Ils croyaient trouver le directeur d'Intermarché. Mais il n'y était pas. En août, celui-ci a aspergé d'eau de Javel les marchandises périmées, une «obligation légale» pour les denrées animales selon lui, mais qu'aucun texte ne confirme. Il en avait assez de trouver ses poubelles retournées. Les «mates», ça les a énervés. Du coup, ils ont renversé les conteneurs, balancé des pots de yaourt sur la porte d'entrée, tapé sur les caméras de vidéosurveillance. «Nous nous défoulons, s'il y a encore de la javel, on le refera jusqu'à ce que le gérant comprenne que c'est notre seul garde-manger», ont-ils déclaré aux gendarmes. Victimes. A la barre, la présidente, qu'ils appellent entre eux «la folle», leur a fait la morale. «Retirez les mains des poches, vous n'êtes pas au Café du commerce.» Cédric a mis ses pognes sur les hanches. Il s'est planté devant ell