Grenoble, envoyé spécial.
Derrière le drap tendu sur le mur, il y a écrit en rouge: «melon, bicot, raton». Dans le salon, une femme menue, la cinquantaine, fume cigarette sur cigarette. Elle a des bleus sur le corps et elle boite. Shafia Daoud tient le coup comme elle peut. Elle dit crânement: «J'ai du courage, je ne me laisserai pas faire.» Mais ça lui fait encore trop mal de raconter ce qui lui est arrivé.
Mercredi dernier, dans l'après-midi, deux hommes qui se faisaient passer pour des policiers sont entrés dans son appartement grenoblois. Ils l'ont bâillonnée. Lui ont brûlé la plante des pieds, les ont tailladés avec un cutter. Puis l'un d'eux a lâché: «C'est comme ça que faisaient les paras en Algérie. Comme ça, vous n'irez plus porter plainte.» Leur coup était bien préparé. Ils portaient des lentilles de couleur pour qu'on ne les reconnaisse pas. Avant de partir, ils ont laissé une enveloppe couverte d'un film pour masquer leurs empreintes. Il y était écrit: «Nous mettons notre projet à exécution.»
Première agression. Le projet est vague. Mais il est raciste et odieux. Et les Daoud font remonter son origine au 18 novembre. Ce jour-là, l'Alif, Amitié et lien France-Maghreb, que dirige Chadli Daoud, le mari de Shafia, organise au musée dauphinois une conférence avec Mohamed Harbi, historien de l'immigration algérienne en France, pour illustrer l'exposition «D'Isère et du Maghreb, pour que la vie continue». Une vingtaine de personnes, dont certaines étaient armées de battes