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Libération

L'esturgeon russe envahit les eaux de la Gironde. Des milliers de poissons d'élevage, échappés durant la tempête de décembre, menacent les espèces locales.

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publié le 22 février 2000 à 22h40

Saint-Fort-sur-Gironde, envoyée spéciale.

L'esturgeon se débat faiblement dans le filet, à côté d'un rat mort. «Il est petit», lance Pierre Mounier, un peu déçu. Avec la pluie qui a fait monter le niveau des rivières et des fossés, le jeune pisciculteur espérait de meilleures prises. Il y a deux mois, vingt tonnes de baeris ­ des poissons sibériens acclimatés dans le Sud-Ouest à des fins d'élevage ­ se sont évadés de leurs bassins, quand les eaux de la Gironde ont débordé, le soir de la tempête de décembre. Quelque 8000 spécimens ont ainsi disparu, dont environ 2500 femelles prêtes à délivrer leurs précieux oeufs. A la décrue, plusieurs ont été retrouvés morts dans les bois voisins. Les autres sont recherchés activement, dans les rivières de la région et l'estuaire de la Gironde. L'évasion représente une perte de 2 millions de francs pour la société Sturgeon, une vraie catastrophe pour le premier producteur français de caviar et d'alevins d'esturgeon.

Cousins. Mais de l'autre côté du fleuve, la disparition désespère aussi les scientifiques du Cemagref (Centre du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et forêts) qui s'efforcent depuis des années de sauver l'esturgeon local, le sturio. Décimée par les pêcheurs, l'espèce sauvage ne compte plus que quelques milliers de spécimens, à peine plus nombreux que leurs cousins en cavale. Impossible aujourd'hui de prédire les conséquences de l'accident, parce que nul n'a jamais relâché autant de poissons «étrangers» dans la Gironde.