Rodez, envoyée spéciale.
«Je me rappelle la première fois qu'il m'a embrassé, sa bouche avait le goût de mandarine.» En quelques mots, Pierre-Gérard C., 36 ans, a fait basculer le procès de l'abbé Maurel devant la cour d'assises de l'Aveyron. Face à l'accusé, qui répond de trois viols sur mineurs, cet ancien élève du collège Saint-Pierre de Mur-de-Barrez raconte ces longs mois de 1979 où l'abbé venait le chercher tous les soirs dans le dortoir. «Il me faisait des fellations et me sodomisait.» A l'époque, l'adolescent de 14 ans n'ose pas s'y opposer: «Il était mon seul repère, le directeur, l'adulte, le prêtre. Et j'étais très croyant.»
Dans le box, tout ratatiné, le vieil abbé (71 ans aujourd'hui), qui toujours nia, flanche un peu devant les questions du président Daniel Duchemin. «Oui, reconnaît le prêtre, j'avais un certain penchant pour lui.» «Y a-t-il eu acte sexuel?» «Peut-être, je ne sais plus.» Prescrite depuis, cette affaire fut, vendredi soir, l'un des moments forts d'une audience tendue, qui, après deux jours de fiel, de rumeurs et de complot, a enfin débuté. Crûment. «L'abbé Maurel peut-il, oui ou non, pratiquer une sodomie?» Dans la minuscule salle d'audience, les turbulents amis du prêtre gloussent à la lecture des expertises. Car les spécialistes, eux, ne sont pas là. L'un suit un congrès aux Etats-Unis, l'autre au Qatar et le troisième n'a même pas été convoqué. Seul un urologue, appelé par la défense de l'abbé à pratiquer une contre-expertise, vient livrer ses