C'était un curé du tonnerre de Dieu. Il faisait peur non seulement
au diable mais aussi aux frileux de l'évêché. C'était le curé des mécréants, des sceptiques, des athées. C'était également le curé des peintres, des artistes, des architectes. C'était encore le curé de la chapelle de Ronchamp (Haute-Saône), l'un des deux édifices religieux conçus par Le Corbusier. René Bolle-Reddat s'est éteint mardi à l'âge de 79 ans. Ce prêtre, d'un genre comme on n'en fait plus beaucoup, n'avait pas le verbe tiède.
En chaire, il lui arrivait de saluer ses fidèles en leur lançant «mes chéris», avant de dénoncer toutes les hypocrisies du bas monde. Même bancal, à cause d'un accident de la route, il bataillait. Même vaincu par la maladie, il conservait une ironie pétillante. Et puis il savait parler de la création, celle de Dieu comme celle des hommes.
A commencer, bien sûr, par celle de Le Corbusier, dont il était dépositaire de l'oeuvre pour la chapelle. «Corbu», comme il l'appelait, l'habitait totalement. «C'est lui qui parle par ma bouche», disait-il. Lors de l'inauguration de la chapelle, en 1955, il lui avait écrit son discours. Il y avait glissé un vers d'Eluard «De la poussière du désert, nous avons fait notre bâton» qui allait devenir la pierre fondatrice de leur amitié. L'architecte, vieux protestant austère et puritain, était fasciné par le curé. Il lui confiait: «Nos pasteurs n'étaient pas marrants. Vous au moins êtes un rigolo, vous me faites du bien.» Pendant plus de quarante