Dans un coin, le fax crache. Tous les chefs d'établissements
scolaires de Seine-Saint-Denis connaissent le numéro de cette machine installée à la permanence pénale du tribunal de Bobigny, rayon «mineurs». Un véritable agent de liaison entre l'Education nationale et la justice. Pour alerter le procureur des méfaits commis par leurs élèves, les directeurs d'école sont aussi dotés des formulaires idoines: «Signalement d'incident ou délit en milieu scolaire.» A eux de cocher la bonne case: couteau ou cutter pour le port d'arme blanche, injures ou menaces pour l'agression verbale. Et de classer le fait sur une échelle de 1 à 4, en fonction de la gravité. En matière de partenariat école-justice, la Seine Saint-Denis est un département pilote. Avant les autres, il a expérimenté ce système; avant les autres, il peut aujourd'hui en mesurer les excès et les limites.
Car à la rubrique «description des faits et observations», on trouve de tout. Des histoires de bagarres plutôt classiques: «R. a volontairement donné un coup de genou dans les parties génitales de B. alors que celui-ci tentait d'intervenir dans une dispute entre R. et un autre élève.» Les enseignants signalent aussi les nouvelles tendances. «F. a été victime d'un "guet-apens, nouveau jeu qui consiste, après concertation pour le choix de la victime, à s'abattre en groupe sur elle: coups de pieds, etc.», décrit un principal de collège. Ailleurs, le jeu sera baptisé «police judiciaire» mais visera le même objectif: tabassage