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Libération

Trente ans dans la mine, et une administration dédaigneuse.

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Je hais cette France silicosée qui a tué mon père.
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publié le 22 avril 2000 à 23h52

Je hais cette France crue et cruelle, qui hurle comme des loups, prétextant que les immigrés abusent de la protection sociale. Mon père est mort d'un cancer du poumon à l'âge de 66 ans, dans une chambre d'hôpital, un vendredi après-midi du mois de février 2000. Trente ans de sa vie, il les a passés dans les entrailles de cette terre du Nord et du Pas-de-Calais, pour en soutirer le souffle de la vie: le charbon. Je hais cette France qui lui a inoculé la silicose, cette maladie pulmonaire due à l'inhalation prolongée des poussières de la mine. La silicose n'appartient pas au passé, côté Germinal. Elle tue toujours en l'an 2000. Plusieurs milliers de malades une mort lente.

Descendu à l'âge de 20 ans au fond de la mine, mon père s'est battu vingt ans pour qu'on reconnaisse sa maladie. Trente-deux ans après avoir traîné, et mordu cette poussière du mal, on ne lui a accordé que 5% d'invalidité.

Je hais cette France dont le système de santé refuse de reconnaître l'aggravation de l'état de santé des mineurs. La législation a encore évolué à la fin de l'année dernière, vers une diminution de la prise en charge. Le scandale, c'est l'absence de dépistage. La radiographie des poumons, démontrant une progression de la maladie, ne suffit plus pour faire modifier le taux de l'indemnisation. Et pourtant, radio et mesure de la respiration sont deux éléments déterminant dans le calcul de la réparation financière. Or, ces avis sont donnés au compte-gouttes par des médecins juges et parties" car