Jean-Luc Lagardère est généralement considéré comme un grand
capitaine d'industrie. Renvoyé aujourd'hui et demain devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, pour abus de biens sociaux, il va devoir expliquer comment, derrière ses grands desseins aéronautiques, il s'est plus prosaïquement constitué une confortable fortune personnelle. Aux commandes du groupe Matra depuis 1963, puis de Hachette en 1980, Jean-Luc Lagardère a pris son véritable envol patrimonial avec la privatisation de l'entreprise aéronautique, sous la première cohabitation. A peine six mois après sa sortie du giron public, Lagardère faisait adopter une convention lui octroyant 0,2% du chiffre d'affaires de Matra et Hachette. Soit, en moyenne, 80 millions de F par an, un tiers du bénéfice annuel des sociétés concernés. Le pactole était logé dans une coquille, Arjil Groupe, rebaptisée Lagardère Capital Management (LCM), détenue par Jean-Luc et son fils Arnaud (respectivement 82% et 18%).
Rémunération occulte. Cette ponction sur les bénéfices de Matra et Hachette était justifiée officiellement par des «prestations de management». Cela se pratique parfois: plutôt que de percevoir un salaire, des patrons sont rémunérés sous forme d'une redevance forfaitaire. Le problème, c'est que Lagardère percevait en sus un salaire de 6 millions par an" En novembre 1991, la COB (Commission des opérations de Bourse) écrivait au capitaine d'industrie pour lui expliquer que la redevance est une «rémunération occulte»