Ce fut l'un des premiers dossiers confiés à la juge Eva Joly. Symbole de sa capacité à filer les pelotes: d'un banal délit d'initié, elle est tombée sur un système de caisses noires que des entreprises s'échangent selon les besoins du moment, les unes pour planquer de l'argent, les autres pour rapatrier des fonds occultes. Symbole aussi de sa difficulté à clore une instruction: le procès dit des Ciments français s'est ouvert hier devant la 11e chambre correctionnelle, dix ans après les faits. Et encore, une partie du dossier reste à l'instruction (1).
Durant l'été 1990, les Ciments français, ancienne filiale de Paribas, avaient racheté en loucedé les Ciments belges: un bloc majoritaire auprès des actionnaires familiaux, plus un paquet supplémentaire auprès d'actionnaires minoritaires, avec des prix différents. Les autorités belges avaient finalement contraint les Français à lancer une OPA, procédure où tout le monde touche la même somme en toute transparence.
Plus-value. Mais l'usine à gaz mise en place a suivi son petit bonhomme de chemin, jusqu'en correctionnelle. En résumé, la banque Demachy, filiale du très chic groupe Worms & Cie, qui avait racheté des minoritaires à bas prix pour le compte des Ciments français, bénéficiait d'une plus-value latente de 80 millions de francs en l'occurrence d'un bâton pénalement merdeux, fruit d'un possible délit d'initié. L'instruction a établi que cette somme devait alimenter la caisse noire des Ciments français, après juste rémunératio