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Libération
Interview

""L'impact et l'émotion sont toujours là.""

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Pour Alain Touraine, les trois ans de conflit sont""exemplaires"".
publié le 29 juin 2000 à 1h57

Depuis trente ans, Alain Touraine ausculte la société française et ses "nouveaux mouvements sociaux". Comme il l'explique dans Comment sortir du libéralisme? (1), le sociologue estime que le mouvement des sans-papiers fait partie de ces formes d'action collective surgies à l'heure de la mondialisation.

Le mouvement des sans-papiers est-il toujours un mouvement social?

Aujourd'hui, on parle facilement de mouvement social, même pour ceux qui font du roller le vendredi. Mais de quoi parle-t-on? Un mouvement social peut être défini comme un conflit entre des adversaires sociaux pour le contrôle des orientations culturelles d'une société. Disant cela, je me mets dans la difficulté en ce qui concerne les sans-papiers. Ce mouvement n'est pas simplement une action revendicative qui se positionne "contre". Nous avons affaire à des acteurs réels, définis par une identité, souvent ethniquement déterminée, avec un rôle important des femmes. Saint-Bernard, les haches, les matelas, ce n'est pas un discours intellectuel. Mais la réalité.

Quel est l'enjeu soulevé par le mouvement des sans-papiers?

Nous venons de vivre une période où l'on a libéré les capitaux, les biens, les informations. Pas les gens. On évolue dans un système de mondialisation conçu, intellectuellement et pratiquement, pour diminuer le droit des gens. Les sans-papiers, au-delà des problèmes juridiques, sont devenus les prolétaires internationaux. Ils sont victimes de tous côtés: chassés de leurs pays par la misère, de France