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Libération

Les poumons de la colère

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Menacées de cancer, les victimes s'élèvent contre cette attente supplémentaire.
publié le 8 juillet 2000 à 2h56

C'était il y a trois ans, "une banale radio des poumons" effectuée dans le cadre non moins routinier d'une visite annuelle à la médecine du travail. Serge Racine, 64 ans aujourd'hui, était maître de conférences à l'université Paris-VII. Cette fois-là, "la toubib" s'est attardée sur les clichés. "Elle m'a dit: il y a un problème avec votre radio. C'est embêtant. On voit des taches blanches. Il va falloir passer un scanner." Serge Racine, enseignant à Jussieu depuis 1966, est atteint de plaques pleurales. Une affection qui peut dégénérer en cancer.

"Lorsqu'on vous annonce le diagnostic on se dit: ça y est, je suis fichu. J'ai mal réagi parce qu'au même moment, un de mes voisins, qui avait travaillé aux usines Eternit, venait de mourir d'une maladie provoquée par l'amiante." A Jussieu, le matériau est omniprésent dans les gaines électriques, les faux plafonds, sur les poutres en fer qui constituent la structure du bâti. Le flocage était censé protéger les personnels et les étudiants en cas d'incendie. Il s'est transformé en poison. "La mort, ça m'a obnubilé pendant six mois. Après on apprend à vivre avec. Mon unique fils a à peine 12 ans. Je fais plein d'activités avec lui, je l'épaule dans sa scolarité. L'idée du vide que je peux laisser m'angoisse totalement." Serge Racine a fait son testament, pris des dispositions. Depuis le déclenchement de la maladie sa vie a "changé". Il l'a recentrée "sur l'essentiel": son fils, sa famille. Avant il "aimait sortir". Maintenant il "trouve