L'une raconte comment un médecin lui a prescrit la pilule sans lui expliquer la posologie: elle a avalé en une fois les 21 comprimés. Une autre s'est entendu dire par l'obstétricien qu'elle aurait "un siège". Elle a compris "un singe" et a vécu le reste de sa grossesse dans la terreur d'accoucher d'un monstre. La plupart font état d'une "demande quotidienne" de leur époux et de l'impossibilité de se soustraire à cette obligation. Le rapport de Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherches au Cevipof (1), raconte la vie sexuelle et affective de 1 000 femmes en situation de précarité "sociale et culturelle", âgées de 13 à 64 ans. Parmi elles, un quart de musulmanes, qui constituaient jusqu'à présent l'"angle aveugle" des grandes enquêtes sur la sexualité en France.
Pour celles-ci, représentatives de communautés où la femme est "systématiquement dévalorisée et n'a pas la possibilité d'adopter des comportements autonomes", le schéma type est la virginité jusqu'au mariage, la fidélité au mari qui est, dans bon nombre de cas, le seul homme qu'elles auront connu tout au long de leur vie, des relations sexuelles très fréquentes, une moindre prévention en matière de grossesse (53,4 % n'utilisent aucune contraception), une quasi-absence de prévention contre le virus du sida et une méconnaissance sidérante de leur corps.
Le travail de Janine Mossuz-Lavau est né du colloque "Femmes et infection VIH en Europe" (Paris 1997), première réaction d'ampleur face à un constat alarmant: en 1998, o