Jacques Richardeau était drogué de la mer. A 65 ans, ce capitaine au long cours a coulé avec son bateau et onze hommes d'équipage. Sept ont survécu. Le Number-One battait pavillon de complaisance lorsqu'il a sombré au large du Sri Lanka, le 11 juin 1999. Quelques mois plus tard, sa fille Marie-Pierre a écrit ces mots: «Mon père, victime de ce que certains appellent le syndrome de Marius, a toujours navigué, même à la retraite.» Le syndrome de Marius, c'est une définition que Marie-Pierre a trouvée en lisant Pagnol. Pour expliquer ce dont souffrait son père. Marius rêve de partir. Il traîne chaque jour autour du port. Jacques ne pouvait rester dans le Morbihan toute une année sans reprendre la mer. A table, il avait fini par raser sa famille avec ses histoires de bateau. Aujourd'hui, sa fille dit: Il «fallait» qu'il reparte. A tout prix. Même sur une planche pourrie, un bateau-poubelle (1). «Quand il savait qu'il allait embarquer, c'était comme un vrai gamin qui avait à nouveau son jouet.» Sa femme explique: «Quand il y allait, ce n'était plus le même.» Plus le même, mais un autre homme, prêt à tout pour embarquer. A tout. «Même si je n'étais pas payé, j'irais», avait-il coutume de dire. Les marins comme Jacques sont rares. Bien sûr, ils ne partiraient pas à n'importe quel prix. Mais leur passion ne les laisse pas tranquilles. Ils ont dépassé l'âge de la retraite dans la marine marchande, fixée à 55 ans. Alors ils naviguent sous pavillon de complaisance ou se reconvertissent
Ces marins qui ne veulent pas jeter l'ancre
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par Didier Arnaud
publié le 24 juillet 2000 à 2h29
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