Grasse envoyé spécial
René Albanese est un Italien de 25 ans tout maigrichon, un toxicomane au visage creusé sous une barbe naissante. Hier matin, il est jugé par le tribunal correctionnel de Grasse (Alpes-Maritimes) pour «aide à l'entrée et au séjour irrégulier». Il ne se fait guère d'illusions sur son sort, car le sort l'a déjà lâché.
C'était le 15 août, vers 17 h 30, au péage d'Antibes-Est, sur l'A8. René Albanese tombe en panne avec ce fourgon Renault Master bleu qu'on lui a prêté, de l'autre côté de la frontière, à Vintimille. Un employé d'autoroute l'aide à se pousser sur l'aire de repos, il ne remarque rien, mais les gendarmes de l'escadron départemental de sécurité routière, qui surveillent le tronçon Menton-Antibes grâce aux caméras postées sur tout le parcours, trouvent ça louche: une camionnette immatriculée en Italie et ce chauffeur, René, qui boitille, avec sa béquille. Ils envoient une patrouille.
A leur arrivée, René s'écarte, dit qu'il fait du stop. Mais il ne peut nier l'évidence. Entre-temps, les gendarmes ont entendu du bruit à l'arrière du Master. Ils ouvrent. Quatre hommes, trois femmes, neuf enfants, dont un bébé de 1 mois, entassés à même le plancher. Kurdes. Effarouchés. Affamés et assoiffés dans la canicule. «Le bébé, nous lui avons sauvé la vie, racontera un gendarme, c'est une femme de gendarme qui lui a aussitôt donné un biberon. Les autres membres de la famille, nous les avons nourris avec nos rations de combat.»
Turquie à pied. Il y a là, par exempl