Bordeaux correspondance
L'homme en jeans effrangés, torse nu, pieds nus, a ouvert la portière avant. «Roule, roule», a-t-il lancé en pointant un fusil sur le chauffeur. 12 000 F en poche, il venait de braquer le supermarché voisin, juste avant la fermeture. Et il était vraiment pressé de dégager. Tellement pressé qu'il a pris d'assaut le premier véhicule en vue, sans se soucier des fleurs et des dentelles blanches qui ornaient le capot rutilant.
A l'arrière, deux jeunes mariés, en grande tenue. Tout à la joie de leur union, Mickaella et Rodrigue roucoulaient, seuls au monde le temps d'un bref trajet de l'église au jardin public, en route pour la traditionnelle séance photo avec les parents et les amis. Elle, 25 ans, étudiante, lui, 29 ans, mécanicien, tous deux natifs de la Martinique, fraîchement installés à Bordeaux. Au volant, Roland, un de leurs amis, en costume de cérémonie. Un jour de fête lumineux, en ce samedi d'août à Talence, dans la banlieue bordelaise. Jusqu'à ce que, «comme dans un mauvais film», une ombre bondisse sur la voiture immobilisée à un feu rouge.
«Il a pointé son arme sur notre chauffeur et il s'est assis à côté de lui, raconte Rodrigue. On s'est dit : il est fou, d'où il sort celui-là ? On lui a demandé poliment de partir, il n'a pas voulu descendre.» Et le mariage a tourné à la scène de cascade. Très calme, Roland a alors saisi la crosse du fusil pour la baisser vers le sol. Au même moment, ceux du cortège qui avaient vu la scène encerclaient la voitur