Lille correspondance
«Jeudi, j'ai plaidé comme une brèle tellement j'étais nouée.» Avocate respectée par ses pairs et par les magistrats, Me Dominique Sapin ne sait jamais si elle pourra payer ses charges fixes à la fin du mois, ne part pas en vacances, gagne moins que sa secrétaire, et parle de changer de métier. Comme un quart des avocats inscrits au barreau de Lille, elle est non imposable. «Il nous faut un peu de quiétude matérielle pour bien faire ce métier.» L'aide juridictionnelle forme les deux tiers de son fonds de commerce. A l'indigence des moyens s'ajoute parfois le manque de reconnaissance: «Je viens de plaider en comparution immédiate, et j'ai obtenu la relaxe. A la fin, la famille m'a dit: "Si on n'avait pas obtenu ce résultat, on serait allés voir un vrai avocat!" On est l'avocat gratuit, donc dévalorisé.» A 7 000 francs de salaire mensuel, une fois réglés les 70 % de charges, Dominique Sapin pourrait elle-même bénéficier partiellement de l'aide: elle est juste en dessous du plafond. «Si on me propose un poste d'avocate fonctionnaire, j'y vais, tout de suite.»
«Bidouiller». Les plus démunis, c'est pour eux que Me Sapin a choisi ce métier. «C'est avec eux qu'il y a le plus à faire, et c'est pour eux qu'il y a le moins de moyens. Il faut leur consacrer du temps, toujours réexpliquer, faire accepter la justice. Alors, on bidouille avec notre conscience, notre porte-monnaie, nos contraintes. Avec toujours le sentiment de ne pas en faire assez.» Elle refuse l'abatta