A deux mois de l'entrée en vigueur de la loi sur «le renforcement de la présomption d'innocence», l'affolement gagne les tribunaux. On convoque des assemblées générales; on rédige des motions; on menace de supprimer des audiences. Quelles que soient leur tendance syndicale ou leur appréciation personnelle sur ce texte, les magistrats considèrent que, faute de moyens matériels et surtout humains supplémentaires, son application va gripper la machine judiciaire.
«Bogue». L'Union syndicale des magistrats (USM) a déjà réclamé le report de l'entrée en vigueur de cette loi. Son président Valéry Turcey n'hésite pas à prédire un «bogue du siècle pour la justice française» et «la plus grave crise de fonctionnement des juridictions depuis vingt ans au moins». Le Syndicat de la magistrature (SM) défend la réforme, mais estime que les magistrats vont devoir faire des choix, établir des priorités et même sacrifier certaines de leurs tâches pour pouvoir l'appliquer dans les délais.
A Bobigny, les magistrats réunis jeudi matin en assemblée générale ont ainsi «constaté l'impossibilité d'appliquer dans de bonnes conditions» la nouvelle loi, «en l'état actuel des moyens dont dispose la juridiction». En revenant sur deux mesures qui constituent de véritables abcès de fixation: la création d'un «juge des libertés et de la détention», qui interviendra à chaque fois qu'un juge d'instruction préconisera la détention provisoire; et l'information immédiate du procureur de tout placement en garde à vue