Dans un bistrot de l'avenue Jean-Jaurès à Paris, dans le XIXe arrondissement, Jacques, 53 ans, chauffeur convoyeur de la Brink's, griffonne une curieuse addition sur la nappe en papier: «Trois au début de l'année, deux en mai et en juin, et encore un autre samedi dernier, six morts. C'est une grosse année, et elle n'est pas finie.»
Moins d'une semaine après la mort d'un jeune convoyeur, au cours d'une nouvelle attaque contre un transporteur de fonds, à Stains (Seine-Saint-Denis) vendredi midi, l'heure est au bilan. Et aux douleurs partagées. A l'appel des fédérations de transport CGT, CFTC et FO, Jacques et ses soixante collègues se préparent à rejoindre la marche silencieuse de Villepinte, à la mémoire du convoyeur «tiré comme un lapin». Un car, spécialement affrété pour la journée, conduit les hommes endeuillés.
A l'intérieur, les consignes circulent, des mots d'ordre auxquels on s'accroche: «Cette fois, nous ne céderons pas, fini le travail de nuit ou les horaires fixes», ou bien: «Qu'on nous laisse au moins stationner sur les couloirs de bus ou sur les emplacements réservés!» Au passage du Stade de France, Fred, 25 ans, embauché en avril, lâche: «J'aurais dû être footballeur, c'est moins fatigant et mieux protégé par la loi.»
Depuis des mois, les convoyeurs ne décolèrent pas contre les insuffisances des lois en vigueur. Ils attendent le décret qui obligera grandes surfaces et établissements bancaires à aménager des locaux pour sécuriser les convois. Mais le texte est encore