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Libération
TRIBUNE

La police enfouit son passé

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La préfecture de police de Paris livre au public une histoire falsifiée et bloque l'accès des chercheurs à ses archives sur la guerre d'Algérie.
par Jean-Luc Einaudi, écrivain. et Claude LIAUZU, professeur à l'université Denis-Diderot
publié le 29 novembre 2000 à 7h13

Les passants qui longent, dans l'île de la Cité, sa façade imposante et caractéristique du Paris bourgeois du XIXe siècle (comme celle de la mairie de Paris) savent-ils que la préfecture de police a deux siècles? Connaissent-ils son histoire? La commémoration de sa création a fait l'objet de cérémonies et d'un effort de «valorisation» de son image. Le numéro de Liaisons, le magazine de la préfecture de police, un livre intitulé la Préfecture de police au service des Parisiens et sous-titré «fidèle à ses traditions pour préparer l'avenir» y sont consacrés, ainsi qu'une exposition.

A un moment où les besoins de mémoires exprimés par la société prennent une importance grandissante, où les pouvoirs s'efforcent de rompre avec l'histoire sainte et d'assumer un passé qui passe mal, mettre au clair l'histoire de la police représente des enjeux tout à fait considérables. On est loin du compte. Si l'on apprend que les Communards ont incendié le premier bâtiment de la préfecture, rue de Jérusalem, la surveillance, les brutalités, l'arbitraire auxquels ont été soumis les républicains et les militants ouvriers tout au long du XIXe siècle ne sont absolument pas mentionnés. Même silence sur les à-peu-près de la «police scientifique». Le docteur Bertillon est salué comme le père de l'anthropométrie, mais qui sait que, inspiré par son antisémitisme, il a prétendu «prouver» la culpabilité d'Alfred Dreyfus grâce à son analyse graphologique?

Vétilles? Le musée de la Préfecture contient une galeri