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Libération

Abbeville digère mal l'affaire du «Grand Cahier».

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Certains dénoncent l'influence d'une «bourgeoisie réactionnaire» sur la ville.
publié le 4 décembre 2000 à 7h29

Abbeville envoyée spéciale

«C'est une ville tranquille», dit un policier. Abbeville n'a pas l'habitude des foules en mouvement. Du coup, tous les habitants du centre-ville sont aux fenêtres samedi pour voir passer le «cortège contre la censure» organisé à l'appel des enseignants du collège Millevoye. «Regarde, il y a la prof d'anglais. Et aussi le prof d'histoire-géo!», commente-t-on sur le trottoir. Six cents participants selon la police, mille d'après les organisateurs, une bonne mobilisation pour une ville qu'on soupçonnait de réagir mollement à l'interpellation d'un enseignant le 23 novembre.

La marche est silencieuse et sans slogan. Seules deux banderoles ouvrent le cortège: «Non à l'intervention judiciaire dans les choix pédagogiques», et «Enseignants, parents, citoyens indignés et solidaires». Dans les rangs, pourtant, les discussions vont beaucoup plus loin. «On s'interroge sur le zèle de la justice et de la police dans cette affaire», explique Eric Duhaupas, professeur d'histoire-géographie au collège Millevoye. Le 23 novembre, trois policiers avaient interpellé dans l'établissement un jeune professeur de français accusé par des parents d'élèves d'avoir diffusé en classe de 3e des écrits pornographiques. «On a vu les flics débarquer et l'emmener, on se demandait vraiment ce qu'il avait fait», raconte Sylvain, élève de 4e. En réalité, le professeur s'était contenté de proposer à l'étude le Grand Cahier, d'Agota Kristof, un classique recommandé par le Centre national de